Chaque année, en France, environ 24 millions de téléphones portables sont vendus. Chaque foyer en possède en moyenne 2,4. Que deviennent nos téléphones usagés ? C’est ce qu’a cherché à savoir la mission d’information du Sénat sur l’inventaire et le devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles. Au terme d’une enquête menée tambour battant durant l’été, la mission pilotée par la sénatrice écologiste Marie-Christine Blandin, a rendu, le 29 septembre 2016 un rapport qui interpelle fortement. Il pointe un beau gâchis et met en avant de vraies propositions qui reprennent, pour l’essentiel, celle que notre association avaient faites lors de son audition par la mission.
Si les sénateurs n’ont pas réussi à obtenir de la part des fabricants et des opérateurs des informations précises sur la liste des matériaux utilisés pour fabriquer un téléphone portable, ils estiment que ces produits constituent « une véritable mine urbaine qu’il est indispensable de valoriser par le recyclage ». La carte électronique concentre les matériaux de valeur : elle contient de l’argent, du cuivre, de l’étain, de l’or, du platine, du palladium, du tantale, des terres rares et du tungstène. Une tonne de cartes électroniques peut comprendre jusqu’à 1 kg d’or, 5 kg d’argent, 9 kg de tantale et 250 kg de cuivre. La valeur de ces cartes varie, selon le rapport, de 6000 € à 15 000 € la tonne, voire jusqu’à 50 000 € pour les cartes les plus riches.
Ce gisement reste inexploité. « La conception des téléphones est délibérément défavorable au réemploi et au recyclage, déplore le rapport. La course à l’innovation et au développement de nouvelles fonctionnalités éclipse l’enjeu de l’écoconception. » Illustration : la quasi-impossibilité, aujourd’hui, de remplacer les batteries intégrées.
Au vu des quantités de portables mis sur le marché chaque année, le volume de téléphones usagés effectivement collecté est très faible : 15 % environ des 24 millions de téléphones vendus sont collectés et rejoignent, à la fin de leur vie, des filières de réparation, de transformation ou de recyclage.
Parmi les freins : les limites de la reprise dite « un pour un ». Les distributeurs sont en effet tenus par la loi d’accepter la reprise gratuite d’un appareil usagé lors de l’achat d’un produit neuf du même type. Cette disposition s’applique autant aux magasins « physiques » qu’à la vente en ligne. Or, comme l’a rappelé notre association lors de son audition par la mission le 21 juillet 2016, nos enquêtes montrent que dans les magasins et surtout sur Internet, cette reprise reste difficile : en ce qui concerne les petits équipements comme les smartphones ou les tablettes, 57 % des sites marchands concernés par notre enquête de juin 2016 ne pratiquent pas la reprise un pour un.
La mission a également recensé des freins psychologiques au tri des téléphones portables. Si de nombreux consommateurs conservent leur ancien téléphone afin de disposer d’une solution de remplacement en cas de panne, ils craignent aussi pour leurs données personnelles. Au total, 100 millions de téléphones portables usagés dormiraient ainsi dans les tiroirs.
Dommage. Car pour les sénateurs, la réparation, le réemploi ou le recyclage de tous ces équipements pourraient alimenter une filière française riche en emplois industriels.